Comment définir de bons OKR ?

Nous observons un retour en force de la notion d’OKR ces derniers temps. Cependant, dans la littérature et mes différentes missions en entreprise, j’ai pu observer certaines contradictions et des implémentations pouvant manquer d’impact dans la réalité.

J’ai souhaité ici vous partager ce que nous entendons par OKR chez IKKI, qui est avant tout un changement de mindset plus qu’une technique d’écriture de vos objectifs.

J’aborderai les thématiques suivantes :

  • L’historique des OKR

  • Le vocabulaire et ce que nous entendons derrière (afin que nous parlions de la même chose)

  • Le poids de la stratégie d’entreprise dans la définition des OKR

  • Comment formaliser vos objectifs

  • Comment identifier vos résultats clés (KR)

  • Les principaux avantages des OKR

  • Les pièges à éviter

Sentez-vous libre de donner votre point de vue et vos retours d’expérience en la matière pour en faire profiter toute la communauté 😄

Un peu d’histoire

OKR signifie objectifs et résultats clés (Objectives and Key Results, en anglais). Ils constituent un système simple de définition des objectifs d’une organisation et permettent de suivre les progrès (quels qu’ils soient : financier, technique, organisationnel, etc.).

Les OKR trouvent leur origine dans le système de « gestion par objectifs » fondé par le consultant et auteur Peter Drucker.

Ils ont ensuite été implémentés chez Intel par Andrew Stephen Grove, dit Andy Grove, son ancien PDG dans les années 70. Puis par John Doerr, investisseur et spécialiste du capital-risque, qui a présenté ce système aux cofondateurs de Google, à qui on attribue souvent la popularisation des OKR. De nombreuses entreprises les ont depuis adoptées pour réussir leur croissance ou réaligner leur organisation.

Ne vous y trompez pas, cette démarche d’apparence simple est loin d’être simpliste à mettre en œuvre, bien au contraire. Le changement fait peur, c’est risqué ! Le simple fait de penser à la myriade de façons dont les choses peuvent mal tourner suffit à pousser de nombreuses entreprises à abandonner. L’ironie de tout changement à grande échelle, c’est qu’en commençant à petite échelle (par petit pas), plutôt qu’en lançant une vaste opération à l’échelle de l’entreprise, on peut identifier et réduire les obstacles à la mise à l’échelle.

Les OKR visent à créer de la transparence, du rythme, de l’alignement, du sens et de l’engagement autour d’objectifs ambitieux et mesurables.

Alignons-nous sur quelques définitions : Impact vs Outcomes vs Outputs vs KPI

Impact

C’est la mesure de haut niveau de la santé de l’entreprise.

Ce sont souvent les indicateurs que l’on trouve sur un tableau de bord, par exemple :

  • Ventes

  • Chiffre d’affaires

  • Parts de marché

  • Marge bénéficiaire

  • Rentabilité

  • Satisfaction de la clientèle

  • Impacts sociétaux et environnementaux

Les indicateurs d’impact sont des indicateurs qui regardent en arrière, vers des choses qui se sont déjà produites.

Outcome (résultat)

Dans son livre « Outcomes over Outputs », Joshua Seiden nous enseigne que l’outcome est le changement de comportement que vous souhaitez voir chez vos utilisateurs, à chaque fois que vous livrez les bonnes fonctionnalités (outputs), et qui mènent à un résultat business concret (une vente, une commande…). Dans l’idéal, il faut générer un maximum de résultats (outcomes) avec le moins de fonctionnalités possibles.

Quelques exemples de résultats (outcomes) :

  • Un utilisateur se logue plus souvent sur votre site internet

  • Un utilisateur ajoute un article supplémentaire dans son panier

  • Un utilisateur partage un article à un ami

  • Un client réalise une action en moins de temps

Un résultat contribue de manière significative aux impacts (revenus, rentabilité…) auxquels nos dirigeants sont attachés.

Les résultats sont des indicateurs qui se projettent vers le futur, une idée de l’évolution potentielle de vos indicateurs d’impact par exemple.

Tout comme l’Agile, la priorité absolue est de satisfaire le client en lui apportant rapidement et continuellement de la valeur.

Output (production livrée)

Ce sont les choses que vous faites et dont vous espérez qu’elles aboutiront à un résultat (outcome).

Il peut s’agir par exemple :

  • de fonctionnalités

  • de produits

  • d’applications

  • de contenus

  • de services

  • de politiques

  • de programmes, initiatives ou projets

À la fin de chaque journée de travail, la production livrée est ce que vous avez réalisé concrètement. C’est ce que vos utilisateurs et vos clients achètent, utilisent et consomment.

Key Performance Indicator (KPI)

Les KPI sont des mesures d’impact.

Le plus souvent, les indicateurs que vous trouverez dans un « tableau de bord des KPI » sont les mêmes que ceux que vous appelleriez « indicateurs d’impact », c’est-à-dire des mesures de haut niveau de la santé de l’entreprise.

Comme il s’agit essentiellement de la même chose avec deux noms différents, utilisez celui qui sera le plus facilement accepté, compris et utilisé par votre organisation. Quel que soit le nom que vous choisissez, les résultats (outcomes) que vous mesurez deviendront toujours vos indicateurs principaux à suivre.

En résumé

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Par exemple, un dirigeant peut vouloir réduire les coûts : c’est un impact.

Une équipe opérationnelle peut comprendre que les coûts de support technique sont élevés parce que les clients font appel à l’assistance technique à un rythme élevé : c’est le résultat (outcome).

Elle pense pouvoir réduire le nombre d’appels au support technique en corrigeant les caractéristiques du produit qui prêtent à confusion : c’est la production livrée (output).

Dans ce cas, un modèle logique simple ressemblerait à ceci :

  • Impact : réduction des coûts (de X%)

  • Résultat (outcome) : moins d’appels au support technique (de Y%)

  • Production livrée (output) : amélioration de la facilité d’utilisation des fonctionnalités qui prêtent à confusion

Pas de bons OKR sans stratégie claire ni alignement

Tout d’abord, soyons francs et directs : sans une stratégie d’entreprise et/ou produit(s) claire et bien articulée, la mise en place et le suivi des OKR à l’échelle de l’entreprise ne produira jamais les bénéfices escomptés. En réalité, vous favoriserez :

  • les conflits de priorités, voire même des priorités contradictoires, entre départements / business units…

  • la concurrence malsaine entre les équipes

  • la mise en place de processus de décision et de réconciliation arbitraires, souvent subjectifs et mal vécus par les équipes et les salariés

Qu’entendons-nous par stratégie ?

La stratégie est avant toute chose un outil d’alignement. Elle donne le cap aux équipes, l’étoile du Nord. Elle permet de distinguer ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Elle donne une orientation et fournit des garde-fous pour aider les équipes à déterminer les travaux prioritaires à entreprendre et ceux qui sont susceptibles d’être hors de portée pour le cycle suivant (court, moyen et/ou long termes).

Lorsque les équipes comprennent parfaitement la stratégie, elles réfléchissent en profondeur à la manière dont le travail qu’elles effectuent peut contribuer à la concrétisation de cette stratégie. Plus important encore, la stratégie permet à l’ensemble de l’organisation d’avancer et coopérer dans la même direction.

Ceci étant dit, il existe une infinité de points de vue sur ce qu’est la stratégie. Ceux qui nous semblent les plus logiques sont les trois suivants :

« La stratégie doit être adaptable et modifiable à tout moment en fonction des changements. »

— Sun Tzu, auteur de L’Art de la Guerre*

« Une stratégie est un ensemble d’hypothèses sur les causes et les effets. »

— Robert Kaplan et David Norton

La stratégie est essentiellement une intention, plutôt qu’un plan. »

— Steven Bungay, auteur de L’art de l’action*

Selon Andy Grove, la stratégie consiste à répondre à 2 questions : Quel est mon but ? Comment y arriver ?

Si nous combinons tous ces éléments ensemble, nous comprenons rapidement que la stratégie est la meilleure estimation de l’équipe dirigeante quant à l’orientation à donner à l’entreprise pour la période à venir.

Il incombe à cette équipe dirigeante d’élaborer une stratégie et d’aligner / orienter ses équipes vers l’objectif visé. Elle ne dicte pas de plan ni de tactique, mais fixe l’objectif de la mission, laissant aux équipes le soin de trouver les meilleurs moyens de réaliser cette stratégie.

Au niveau des OKR, pour faire simple, vos missions stratégiques constituent vos objectifs stratégiques (c’est-à-dire les buts que vous vous fixez). Ils peuvent être soutenus par des mesures d’impacts business pour votre entreprise (réduction des coûts, augmentation des parts de marché / CA / prix de l’action, réduction d’émission de CO2…).

Gardez à l’esprit qu’un objectif :

  • est une description qualitative facile à retenir de ce que vous voulez réaliser

  • doit être court, inspirant, motivant et ambitieux

  • doit être fédérateur

  • peut être appuyés par des mesures d’impact business de votre entreprise

  • a 2 à 5 résultats clés (KR) maximum

Voici un exemple d’objectif : Offrir une expérience client sans couture.

Quelques astuces pour vous aider à formaliser vos objectifs

1. Commencez par définir le problème business que vous souhaitez résoudre

2. Transformez ce problème en une déclaration positive

  • Que se passe-t-il si nous résolvons le problème ?
  • Quelle serait la situation ?

3. Rédigez des objectifs que votre équipe peut atteindre

  • Les objectifs stratégiques doivent émaner du patron
  • Si vous êtes responsable d’une unité commerciale, les objectifs de cette unité peuvent être vos objectifs (et doivent contribuer à l’atteinte des objectifs stratégiques)
  • Si vous êtes responsable d’une partie du parcours client, votre objectif doit refléter les buts de cette partie uniquement.
  • Un objectif n’est pas une fonctionnalité (ex. « Nous voulons construire ce système » est une fonctionnalité !

Communiquer votre stratégie est fondamentale

« Au fur et à mesure que l’entreprise se développe, la communication est l’élément le plus difficile à mettre en place. Les OKR sont un excellent moyen de s’assurer que tout le monde comprend comment vous allez mesurer le succès et la stratégie. »

Dick Costolo, ancien Googler et ancien PDG de Twitter

Il ne suffit pas que la stratégie existe. Elle doit être écrite et communiquée de manière à ce que tout le monde la comprenne. L’histoire liée à cette stratégie doit être convaincante et répétée jusqu’à ce que chaque employé puisse instantanément la raconter. Lorsque chaque employé sait sur quoi l’organisation se concentre pour le prochain cycle et pourquoi, il peut alors commencer à fixer les objectifs de son équipe.

Définissez vos OKR en fonction de votre niveau et de votre sphère d’influence

Ce processus de définition et formalisation des OKR exige que tous les OKR de niveau inférieur soutiennent l’objectif supérieur défini dans les OKR stratégiques. Vos OKR doivent être définis en fonction de votre niveau et de votre sphère d’influence pour que vous puissiez les utiliser avec succès. En résumé, vous devez avoir la main sur les OKR (décidés conjointement entre le management et les équipe opérationnelles qui lui sont rattachées) de votre périmètre de responsabilité sur lequel vous avez le contrôle et où vos actions font la différence.

Comme évoqué précédemment, c’est un changement de paradigme au niveau des équipes, une transformation : cela prend du temps, de l’énergie, de la répétition

Identifier les résultats clés (Key Results)

Comment verrez-vous / saurez-vous que vous avez réussi ?

Après avoir répondu aux questions « Quel est mon but ? » et « Comment y arriver ? », la question suivante à résoudre est « Comment verrai-je / saurai-je que j’ai réussi ? ».

  • Qu’est-ce que mes clients feront différemment si nous atteignons l’objectif ?

  • Comment leur comportement va-t-il changer ?

Vos réponses à cette question deviendront vos résultats clés.

En réalité, les Résultats Clés correspondent aux outcomes (changement de comportements utilisateurs). Ces derniers doivent être :

  • être contextualisés à votre business

  • être spécifiques

  • être quantifiables

  • être vérifiables avec des données et faits tangibles irréfutables

  • être des outcomes

    • >> Focus output : développer 3 nouvelles landing pages
    • >> Focus outcome : augmenter la conversion client de X% et réduire le coût d’acquisition de Y%
  • décrire clairement et pour tous à quoi doit ressembler la réussite

Dit autrement, si vous parvenez à atteindre les résultats clés (outcomes) pour vos utilisateurs, vous augmenterez vos chances d’atteindre (voire dépasser) les impacts business pour votre entreprise.

Vous remarquerez que je parle bien « d’augmenter les chances d’atteindre » et pas « vous atteindrez ». La raison étant que les résultats clés ne sont que des hypothèses (à tester) que vous avez formulées.

Voilà pourquoi vos résultats clés doivent être formulés dans un horizon court, à 2 ou 3 mois, et être réévalués/réajustés à chaque cycle en fonction de ce que vous avez observé.

Ne faites pas l’erreur de confondre les résultats clés avec les actions à accomplir. Il s’agit d’identifier les résultats, et non les choses que votre équipe doit faire. Un résultat clé n’est donc pas un output (une production livrée) !

Une autre façon d’aborder les choses à tous les niveaux

Les dirigeants qui souhaitent commencer à utiliser les résultats clés pour suivre l’évolution d’initiatives majeures, se trouvent souvent dans une situation difficile. Dans la plupart des cas, les initiatives ne sont pas planifiées en termes de résultats. Elles sont bien plus susceptibles d’être planifiées et suivies en termes de fonctionnalités construites, ou en termes de suivi de la date de livraison promise ou d’un autre jalon.

Pour les dirigeants qui se trouvent dans cette situation, il existe une question simple qu’ils peuvent utiliser pour entamer la conversation sur les résultats : Quels sont les comportements des utilisateurs (client, employés…) que cette initiative a permis de créer et qui mènent à un résultat business concret ? Quels sont les comportements utilisateurs que je souhaite voir se reproduire le plus souvent possible et qui mènent à un résultat business concret ?

Si nous descendons sur des sujets encore plus pragmatiques, au niveau des équipes Produit, nous pouvons aborder les roadmaps Produit de manière complètement différente. À ce jour, dans plus de 80% des cas que nous voyons chez nos clients, les roadmaps Produit sont orientées outputs c’est-à-dire « liste de fonctionnalités » à livrer à dates fixes. Mais livrer cette liste de fonctionnalités ne garantit en rien ni le succès de votre produit ni des résultats business concrets à la clé.

C’est pourquoi, repenser les roadmaps autour des outcomes peut être une façon pertinente de piloter la réalisation de vos Produits. Cela mériterait un article en soi, tellement le sujet est vaste : il faut juste avoir en tête que c’est clairement complexe car nous abordons la roadmap sous forme de priorisation de problèmes clients à résoudre et de résultats business concrets hypothétiquement obtenables si les douleurs clients sont résolus. Cette complexité vient du fait que pour descendre dans ce niveau de détails, il faut tout d’abord être clair et aligné sur la stratégie et les enjeux business (quantifiables et mesurables) avant toute chose.

Préférez des ratios plutôt que des valeurs absolues

En règle générale, pour les OKR, les résultats clés doivent être des taux ou des ratios (par exemple, « Augmenter [le comportement] de X % »), car ils vous donnent une meilleure idée de la tendance d’un trimestre à l’autre (les OKR sont généralement définis sur une base trimestrielle).

D’un autre côté, pour pouvoir mesurer un pourcentage d’augmentation ou de diminution de quelque chose, vous avez besoin d’une base de référence. Vous devez avoir une idée de votre point de départ et du pourcentage de changement qui serait bénéfique pour votre entreprise.

Si vous commencez quelque chose de nouveau (en créant un nouveau produit ou en vous lançant sur un marché totalement nouveau) et que vous n’avez pas encore de chiffres de référence, votre base de référence sera zéro. Dans ce cas là uniquement, vos résultats clés peuvent commencer par des valeurs absolues.

Si nous reprenons notre exemple précédent, les KRs pourraient être les suivants :

  • Objectif : Offrir une expérience client sans couture.

  • Résultat clé 1 sur T2 2023 : une diminution de 4% des appels à notre service clientèle

  • Résultat clé 2 sur T2 2023 : une augmentation de 10% des ventes en ligne

  • Résultat clé 3 sur T2 2023 : une augmentation de 40% des mises à niveau des comptes gratuits vers des comptes Premium

Gardez également en tête que les KR doivent être définis à plusieurs échelles de temps. Bien entendu, les KR pour dans 9 mois pourront changer en fonction du contexte et de l’évolution des choses. Alors que des KR pour dans 3 mois ont peu de probabilité de changer.

Généralement, des KR sur une base trimestrielle est un bon compromis pour commencer.

En résumé

Les 3 principaux avantages des OKR

1. Exiger explicitement des équipes qu’elles effectuent un travail de découverte afin de comprendre vos clients en profondeur et de déterminer les solutions les plus susceptibles de leur enlever une épine du pied

2. Construire une culture de l’empathie et de l’orientation client

3. Accroître l’agilité de l’organisation

Les pièges à éviter

  • Approcher les OKR en mode unidirectionnel Top-Down

  • Être centré sur les outputs

  • Exclure les travaux de découverte et connaissance client

  • Garder les critères de performance et management hérités du passé

  • Définir des OKR sur lesquels vos actions n’ont aucune influence ou sur lesquels vous êtes dépendants d’autres équipes

Pour aller plus loin

Comme vous vous en doutez, le mindset OKR est puissant et sa mise en pratique demande de la rigueur, de l’expérimentation (#Test\&Learn), du courage et de l’endurance. On n’a rien

sans rien ! Au travers de cet article, j’ai donc souhaité poser les premières fondations pour la suite.

Lorsque je l’ai écrit, cela naturellement tiré d’autres sujets. Notamment comment parvenir à combiner élégamment et de manière efficiente les OKR et la Story map dans le delivery de produits ? C’est un autre sujet vaste qui mériterait à lui seul un article dédié.

image Source : Jeff Gothelf & Jeff Patton

Dans un prochain article, nous aborderons la question du déploiement des OKR dans les entreprises.

Si vous voulez approfondir le sujet ou en discuter tout simplement de vive voix, contactez-nous !

Auteur : Nicolas Cappello (Linkedin)