Marre des rétrospectives inefficaces ? Les 6 clés pour les rendre enfin utiles !
Lean, Agile, des mots qui font vibrer tant d'équipes et de managers, mais qui semblent parfois ne produire que des échos de frustration ou de désillusion. Pourtant, l'intention derrière ces mouvements est simple et belle.
Maximiser l’impact auprès du client final en délivrant aussi vite que possible, au bon moment, à qualité maximale, dans un rythme soutenable. Tout ceci en minimisant le gaspillage tout au long du processus de production et en favorisant le développement continu des individus.
En tant qu’équipe, la capacité à comprendre les problèmes, les dépasser, devient donc une compétence fondamentale.
Cependant, une triste réalité s’impose. Trop souvent, les rétrospectives qui devraient être un des moments pivots de cette amélioration se transforment en une danse de la pluie (ou culte du cargo), où l’on agite frénétiquement des todo lists de manière mécanique comme une simple obligation, une tâche administrative sans véritable engagement, ni suivi.
On exécute comme des robots des mouvements sans conviction et sans résultat tangible. Le temps passé est perdu, les progrès inexistants, et l’amertume s’installe.
Pourquoi tant de rétrospectives ratent-elles leur but ?
Arrêtez de faire les moutons !
Le piège, en appliquant une méthode « Agile by the book », est de s’enfermer dans une logique bureaucratique et rester prisonnier du cadre.
Lorsque l'accent est mis sur la conformité plutôt que sur l'amélioration réelle, on tombe dans le piège d'ajouter des couches de contrôles, de référentiels et d'audits pour s'assurer que tout le monde suit bien le processus. Cette approche peut maintenir un niveau moyen de qualité, mais elle ignore trois facteurs cruciaux :
1. Diversité des situations et des clients : Les problèmes ne sont pas toujours causés par une erreur humaine, mais par des circonstances spécifiques qui demandent de l'initiative pour que le client reparte satisfait.
2. L'importance de l'attention : Les erreurs surviennent souvent par manque d’attention à des moments critiques, un problème amplifié par la répétition de tâches routinières sans espace pour la réflexion.
3. Alourdissement des processus : Sans recherche continue d'amélioration, le processus devient de plus en plus bureaucratique, inefficace, et obsédé par l’évitement des erreurs à tout prix.
Il est devenu courant pour les équipes de se retrouver après chaque itération pour discuter sur ce qui doit être amélioré, arrêté, poursuivi. Mais derrière ces mots bien intentionnés, se cache souvent une absence de réflexion profonde. Ils font peu de progrès et pensent qu’ils ont perdu leur temps.
Changer, c’est difficile et ça demande du courage
Dans certains cas extrêmes, comme indiqué par l’Institut Lean France, la Culture de l’échec et la peur de changer peuvent être de véritables freins. L’un des aspects les plus troublants d’une culture de l’échec est que ceux qui y participent en sont souvent « fiers » : oui, c’est bien nous – regardez comme on rate bien, et comme rien ne peut marcher ni changer ! Surtout n’essayez pas de nous faire croire le contraire – nous sommes fiers de qui nous sommes, nous n’avons pas besoin de réussir pour exister !
On est là dans une croyance limitante qu’il faut casser à tout prix.
Changez votre mindset
Le succès de l’amélioration continue ne réside pas dans l’application d’un outil de résolution de problème. Au contraire, il est dans la volonté profonde de changer et l’implication totale de l’ensemble des acteurs concernés (Management ET Opération).
« Ce sont la qualité, la transparence et la fréquence des discussions qui sont cruciales en fin de compte. Elles permettent de trouver la confiance et favoriser la coopération en toutes circonstances. Toutes les personnes touchées par les problèmes doivent être intégrées dans ces discussions. »
— Institut Lean France
Les outils de résolution de problème permettent juste de créer un espace d’échange sécurisé pour se comprendre, parler des vrais sujets, se mettre d’accord, aller dans la même direction, développer des connaissances communes, progresser ensemble… Une sorte de biopsie dans laquelle on matérialise ce que l’équipe s’est dit.
La finalité n’est pas uniquement de régler les problèmes, mais aussi de transformer durablement la façon de construire les produits ou le service (par de meilleurs « standards »), en renforçant les compétences de chacun, en cultivant la collaboration et en augmentant la capacité de l’organisation à satisfaire les clients plus complètement.
Reprenez la main de vos rétrospectives
Existe-t-il un moyen d'aider une équipe à faire un meilleur travail ? Ce n'est pas facile – mais vous pouvez au moins vous assurer que les membres de l'équipe sont au clair sur les étapes à suivre.
1. Choisir et définir le problème prioritaire à résoudre (#Focus)
- Quels sont les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés ?
- Sommes-nous d'accord sur les problèmes ? (écart entre ce que nous avons et ce que nous voudrions avoir)
- Lesquels sont les plus prioritaires à traiter maintenant dans notre contexte ? Pourquoi ?
- Qu’est-ce que nous cherchons à résoudre réellement ?
- Qui se porte garant de sa résolution ?
2. Analyser des faits et développer une compréhension commune du problème à résoudre
- Quelles connaissances avons-nous sur ce problème ? À quelle fréquence apparaît-il et dans quelles circonstances ? Explorons-nous les causes profondes qui nous semblent être à l’origine du problème ?
- Qu’est-ce qui nous fait dire que tel élément a un effet sur tel autre élément ?
- Le management visuel nous aide-t-il à débloquer les situations et nous donne les moyens de réussir la journée pour atteindre les objectifs collectifs ?
- Quelles sont les données à notre disposition ?
- Quelles sont les personnes impactées et sont-elles associées aux réflexions ? Qui a le plus d’intérêt à ce que ça marche ? Qui a le plus de pouvoir pour que cela merde ?
3. Définir ensemble une hypothèse : une partie essentielle, souvent négligée par les équipes qui se précipitent pour résoudre des problèmes, est de formuler une hypothèse testable
- À quoi ressemblera notre monde si le problème disparaît ? Comment verrons-nous / mesurerons-nous que notre problème n’est plus là ? Le gain recherché doit être clair pour tous. Très souvent cette partie est éludée dans la réflexion, menant ainsi les équipes à se lancer dans des actions sans savoir comment elles sauront qu’elles ont atteint leur but. Bref un beau coup d’épée dans l’eau. Même s’il est difficile de quantifier certains résultats, ils doivent avoir un impact évident pour l’entreprise et rapprocher la valeur du client.
- Comment pouvons-nous tester le plus rapidement et à moindre coût cette hypothèse ? Quelle est la théorie derrière cette hypothèse ?
L’état d’esprit ici est également de proposer des théories que l’équipe souhaite vérifier et comprendre les raisonnements de chacun.
4. Mener des expérimentations
- Avons-nous rencontré par le passé des situations similaires ? Si oui, comment avions-nous fait pour résoudre ou limiter le problème ? Quelles sont nos ressources déjà disponibles ? Les équipes se posent rarement ce genre de questions. Chercher les causes profondes n’est pas toujours aisé (y compris émotionnellement, car on peut toucher des sujets sensibles chez les personnes). Chercher les moments où le problème était moins présent reste toujours un prisme très intéressant à regarder et sur lequel se questionner.
- Quelles contre-mesures concrètes voulons-nous tester (les actions prises doivent être claires, impliquant les bonnes personnes à chaque étape #SMART) ?
- Quelle est la durée de chacune des expérimentations ?
5. Vérifier les résultats obtenus
- Lors de vos rétrospectives, il est important de suivre l’évolution des actions d’amélioration que vous avez initiée auparavant. Cela semble tomber sous le sens, mais dans la réalité, peu d’équipes suivent les résultats des expérimentations passées et se contentent uniquement d’en lancer de nouvelles.
6. Suivre / Standardiser au fil des itérations
- Qu’avons-nous appris de ces expérimentations (sur le problème, notre équipe, individuellement…) ? Quelles décisions prenons-nous ? Devons-nous continuer d’investir ? Mieux vaut régler 80% de suite que 100% un jour.
- Avons-nous d’autres problèmes prioritaires à résoudre ? Les priorités sont-elles toujours les mêmes pour nous aujourd’hui ?
- En quoi ces apprentissages impactent nos standards ? Faut-il créer / faire évoluer nos standards ?
- Comment allons-nous conserver et transmettre cette connaissance dans le temps ? Comment accompagner les individus et faciliter l’appropriation de ces connaissances ?
Par exemple, vous pouvez utiliser l’outil Lean « Tableau 5 colonnes », d'une simplicité trompeuse, car très puissant pour créer un environnement de travail collaboratif et développer la confiance mutuelle. Ce tableau est utilisé par les équipes terrain pour pratiquer la résolution de problèmes, et comme lieu d'échange et de partage entre les équipes et les top managers.
Date | Problème (sous forme d’écart) | Hypothèse de causes | Contre-mesures (qu’est-ce qui vous fait croire que cela va marcher ?) | Impacts |
---|---|---|---|---|
« Le tableau 5 colonnes est un outil pour m'impliquer dans la démarche, pas pour faire appliquer la démarche aux autres. »
— Louise Manteau, Responsable amélioration continue au GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences
Conclusion
Pour que les rétrospectives remplissent leur objectif premier, les équipes doivent se recentrer sur les vraies problématiques, celles qui impactent directement la satisfaction des clients et l’efficacité collective de l’équipe. Elles doivent s'engager à suivre, résoudre les problèmes de manière durable et comprendre profondément les raisons de leur succès ou de leur échec. Ce n’est qu’en adoptant une approche plus rigoureuse et en que les équipes pourront réellement faire progresser leur travail, et par conséquent, satisfaire plus pleinement les clients.
Cette philosophie d'amélioration continue, propose une voie où la victoire n'est pas seulement dans la résolution du problème, mais aussi dans la fierté de l'équipe d'avoir compris et maîtrisé la solution. C’est une victoire en deux dimensions : d’une part, le problème est résolu de manière permanente et compréhensible ; d’autre part, l’équipe est fière de son accomplissement, heureuse du processus, et prête à partager son succès.
Cette culture n’est pas le fruit du hasard. Elle se construit, petit à petit, en engageant les équipes dans une réflexion profonde sur leur travail, en leur donnant les moyens de réussir, et en plaçant la satisfaction des clients et des collaborateurs au centre de toutes les préoccupations. La clé réside dans une dynamique d’apprentissage continu, où chaque petit succès est une étape vers une amélioration durable et rentable.
Ne laissons pas les rétrospectives se réduire à de simples exercices de style. Transformons-les en véritables leviers de changement, capables de faire émerger des solutions qui rendent fières les équipes, satisfont les clients, et renforcent la compétitivité de l’entreprise.
Pour ceux qui veulent aller plus loin, il faudra approfondir le Lean pour commencer à développer une culture de résolution de problèmes. En effet, c’est à travers la résolution de problèmes que nous développons les collaborateurs et in fine l’entreprise et ses clients.
« Nous n’apprenons pas à nager en lisant un bouquin mais en pratiquant le plus souvent et le plus régulièrement possible dans la vraie vie »
— Cécile Roche
Cette culture impose des prises de consciences successives pour pouvoir y arriver :
1. Tout le monde doit admettre que le problème est normal (ce n’est pas normal de ne pas en avoir)
- Voir
- Montrer
- Remercier
2. S’arrêter pour gagner du temps
- Tester les hypothèses avant de mettre en place des solutions
- Négociation
- Options possibles
- Gemba
3. Se parler
- Qui a le plus d'intérêt à ce que cela marche ?
- Qui a le plus d'impact ?
- Résoudre un problème, c'est donc apprendre à se parler
4. Anticiper les signaux faibles et les changements
- Change board (en usine, on parle des 4M)
- Quels sont les risques ?
- Qu’est-ce qu’on en fait ?
Pour plus d’informations, contactez-nous !
Auteur : Nicolas Cappello (Linkedin)